8 femmes qui ont marqué l’histoire du numérique

8 femmes qui ont marqué l’histoire du numérique

Le numérique est omniprésent dans tous les aspects de notre vie. Malgré cela, trop peu de femmes se tournent vers les métiers de ce secteur : seulement 30 % de femmes salariées dans ce domaine contre 46,8 % dans les autres secteurs d’activité (source : SCORAN). La différence est encore plus importante pour les profils les plus techniques. Sous-représentées, les femmes peuvent avoir du mal à se faire une place ou à pouvoir entreprendre dans un milieu très masculin.

Grace Hopper, Hedy Lamarr, Roberta Williams… ces noms ne vous disent rien ? Pourtant, sans elles, pas de Wi-Fi, ni de programme informatique, et certainement pas d’ « homme » sur la Lune. Mais alors, qui sont ces inventrices de talents et comment ont-elles contribué à nos technologies modernes ?

Ada Lovelace (1815 – 1852)

Fille du poète britannique Lord Byron et d’Anabella Milbanke, une férue de mathématiques, Ada Lovelace témoigne, très jeune, de la même passion que sa mère. À 16 ans, elle rencontre Mary Somerville, éminente astronome du XIXe siècle, qui l’encourage et l’aide à progresser en mathématiques. Un an plus tard, Ada Lovelace fait la connaissance du mathématicien Charles Babbage, inventeur de la calculatrice mécanique. Pendant 20 ans, ensemble, ils amélioreront constamment « la machine analytique », l’ancêtre de l’ordinateur moderne, avec 100 ans d’avance.
En 1842, Luigi Menabrea, un mathématicien italien, publie un article en français, intitulé « Notions sur la machine analytique de M. Charles Babbage » qui décrit les aspects théoriques et pratiques de la machine. Ada Lovelace produit une version anglaise du texte et, dans ses notes de traduction, esquisse ce qui permettrait à une machine d’agir seule. Elle décrit l’enchaînement d’instructions qu’il faut donner pour réaliser une suite mathématique. Selon elle, la machine pourrait manipuler des nombres mais aussi des lettres et des symboles, au-delà du calcul numérique. Elle envisage le concept d’une machine universelle programmable, capable d’exécuter une série illimitée de tâches interchangeables. Ses « notes », dont une se présentant comme le premier algorithme de l’histoire de l’informatique à pouvoir être exécuté par une machine, devinrent plus célèbres que l’article de Menabrea.
Il faudra attendre 1930 pour qu’Alan Turing formalise à son tour un calculateur universel manipulant des symboles. Longtemps oubliée, Ada Lovelace n’a que progressivement été reconnue par l’Histoire. En 1979, le département de la Défense américain appelle de son nom un langage de programmation « Ada », de même, le CNRS nomme en son hommage un de ses supercalculateurs.

Grace Hopper (1906 – 1992)

Grace Hopper, de son nom de jeune fille Grace Brewster Murray, fréquente l’Université Yale, où elle décroche sa maîtrise (1930), puis son doctorat (1934), avant d’enseigner les mathématiques au Vassar College (New-York).
En 1943, elle s’engage dans la US Navy (marine américaine) en tant que réserviste. Elle devient rapidement lieutenant dans une unité 100 % féminine des WAVES de l’armée américaine dont la mission principale est d’étudier les trajectoires balistiques. Affectée à Harvard pour programmer l’ordinateur Mark 1, le premier calculateur automatique grande échelle, elle y poursuivra ses recherches pour l’industrie civile, tout en conservant son statut de réserviste. En 1949, Grace Hopper rejoint l’entreprise Eckert-Mauchly Computer Corporation et l’équipe travaillant sur l’Univac (Universal Automatic Computer), un ordinateur commercialisé en 1951.
Parmi les nombreux apports de Grace Hopper à l’informatique, on peut citer l’invention du langage Cobol (common business-oriented language) en 1959, le concept de réutilisation, la notion de subroutines et de bug ou encore l’utilisation du terme « codage » pour nommer le processus d’écriture des instructions.
La mathématicienne prend sa retraite militaire en 1966 mais elle est rappelée l’année suivante pour participer à la normalisation des langages informatiques de la US Navy. À 79 ans, elle est ainsi l’officier de la marine étatsunienne en activité la plus âgée lorsqu’elle se retire à nouveau dans la vie civile en 1986. Elle recevra la médaille nationale de la technologie en 1991, peu de temps avant sa mort.

Hedy Lamarr (1914 – 2000)

Actrice, productrice de cinéma et inventrice autrichienne, Hedy Lamarr devient une star hollywoodienne dès son arrivée aux États-Unis en 1937.

Elle a marqué l’histoire scientifique des télécommunications en inventant en 1941, avec le compositeur George Antheil, la « technique Lamarr », un système destiné à protéger les communications entre les bateaux et leurs torpilles. Radioguidées, ces dernières étaient souvent interceptées par l’ennemi lors d’attaques sous-marines. En s’inspirant des bandes de papier perforées qui équipaient les pianos mécaniques, Hedy Lamarr et Georges Antheil ont ainsi mis au point le premier système d’étalement de spectre par saut de fréquence. Cette technique répartit la transmission des signaux selon plusieurs canaux de manière aléatoire et garantit ainsi leur indétectabilité.

Ils déposent un brevet en 1941 mais ce n’est qu’en 1962, avec la crise de Cuba, que l’armée américaine y voit une utilité. Leur principe de transmission est alors étudié et amélioré. Tombée dans le domaine public, leur invention fait le bonheur des concepteurs d’appareil à transmission dans les années 80. Elle est aujourd’hui utilisée pour les satellites et la téléphonie mobile, dans des technologies sans fil telles que le GPS ou le Wi-Fi.

Katherine Johnson (1918 –2020)

Mathématicienne et physicienne, Katherine Johnson intègre la NASA en 1953 où elle effectue manuellement des calculs complexes pour ses supérieurs. En 1960, elle coécrit avec Ted Skopinski un rapport dans lequel ils inscrivent les équations qui décrivent la trajectoire d’un vol spatial orbital. C’est la première fois qu’une femme est créditée comme auteure d’un rapport de recherche.

En 1961, Katherine Johnson fait des calculs de trajectoire pour la mission Freedom 7 et permet le voyage du premier américain dans l’espace, Alan Shepard. En 1962, pour la première mission américaine envoyant un homme en orbite autour de la Terre (Mercury-Atlas 6), elle vérifie à la main les calculs de trajectoire informatisés à la demande de John Glenn, qui connaît sa réputation.

En 1969, durant la mission Apollo 11, Katherine Johnson aide à préciser les trajectoires de rendez-vous spatial entre le module de commande et le module lunaire quand celui-ci remonte de la surface de la Lune.

Née de parents d’origine africaine, Katherine Johnson a su se faire une place dans un milieu d’hommes blancs. Décorée à de nombreuses reprises, elle obtient en 2015 la médaille présidentielle de la liberté, la plus haute distinction civile américaine, et donne son nom au Centre de recherche informatique Katherine Johnson inauguré par la NASA en 2016 (Langley, Virginie).

Alice Recoque (1929-2021)

Diplômée de l’École supérieure de physique et de chimie industrielle de Paris (ESPCI), Alice Recoque participe à l’élaboration de l’ordinateur de bureau CAB 500 (calculatrice automatique binaire), une machine à mémoire en tambour et à transistors plus intuitive d’usage grâce à son clavier, puis à la création en 1970, en tant que cheffe de projet, du mini-ordinateur de gestion industrielle MITRA 15. Ce dernier sera utilisé pour le projet d’Internet français « Cyclades », le contrôle des robots et des systèmes de sécurité dans les centrales nucléaires ainsi que dans l’utilisation de missiles et de navires.

En 1978, Alice Recoque prend part à la réunion qui a fondé la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Elle exprime alors ses inquiétudes et la nécessité de mettre en place un garde-fou contre « le pouvoir de surveillance accru des entreprises et des États ».

En 1985, au sein du groupe Bull, elle initie et prend la direction des recherches sur l’intelligence artificielle. Au cours de celles-ci, menées avec des organismes de recherche publics tels que l’Inria, elle contribue au développement d’un langage de programmation appelé Prolog, utilisé aujourd’hui en intelligence artificielle, notamment dans le traitement du langage naturel.

Stephanie Shirley (1933)

À l’âge de 5 ans, Vera Buchthal et sa famille rejoignent l’Angleterre pour fuir l’Allemagne nazie. Elle prend le nom de Stephanie Brook à ses 18 ans, lorsqu’elle devient citoyenne britannique, mais c’est avec le prénom «  Steve  » qu’elle rentrera dans l’histoire de l’informatique.

Elle débute sa carrière à la station postale de Dollis Hill, où elle s’intéresse à l’informatique et obtient un diplôme en mathématiques en suivant des cours du soir.

En 1962, elle créé la société Freelance Programmers qui vise à concevoir des logiciels informatiques. Elle travaille alors à son domicile et au fur et à mesure de la croissance de son entreprise, elle fait le choix de recruter une équipe composée essentiellement de femmes. Elle privilégie une politique de ressources humaines facilitant la vie familiale de ses salariées, notamment en mettant en place des horaires flexibles et le télétravail. À partir de 1975, le Sex Discrimination Act rend illégal l’embauche selon des critères de genre : elle est donc contrainte d’embaucher des hommes.

C’est un succès : au total, 8 500 personnes seront employées par cette société, qui réalise notamment la programmation des boîtes noires du Concorde et contribue à l’élaboration de normes logicielles et de protocoles de contrôle majeurs.

Dans les années 1970, Stephanie Shirley transfère la direction de son entreprise et opère sa vente en 1991 à l’occasion de son départ à la retraite. En 1996, le groupe est côté en bourse et sera par la suite évalué à 3 milliards de dollars. Stephanie Shirley fait partie de la liste des « 100 meilleurs scientifiques en exercice » au Royaume-Uni publiée en janvier 2014 par le Science Council.

Margaret Hamilton (1936 – )

Mathématicienne et passionnée d’informatique, Margaret Hamilton intègre en 1960 le MIT (Massachusetts Institute of Technology) pour développer des programmes informatiques de prévision météorologique avant de devenir directrice du département génie logiciel où elle développe des programmes de détection d’avions.

En 1963, elle devient responsable de l’équipe chargée du développement du logiciel embarqué utilisé par les missions Apollo puis Skylab à la NASA. Elle acquiert ainsi une solide expérience sur la conception des logiciels à une époque où les méthodes de gestion et de conception des projets informatiques en sont à leurs débuts.

Les programmes développés sous sa supervision ont joué un rôle crucial au cours de la mission Apollo 11, en évitant une interruption de l’atterrissage du module lunaire. Trois minutes avant qu’il atteigne la surface de la Lune, des alarmes informatiques répétées se déclenchèrent, signalant une saturation de l’ordinateur de bord. Grâce à l’architecture du système d’exploitation attribuant des priorités aux programmes, l’ordinateur réussit néanmoins à mener sa mission principale consistant à poser le module sur la Lune.

L’informatique a connu d’autres évolutions grâce à Margaret Hamilton dont l’invention, avec ses collègues du MIT, des concepts de base de la programmation informatique et du code qui vont permettre de créer le premier ordinateur portable au monde. En 1986, elle conçoit également un nouveau langage de programmation, l’USL (Universal Systems Language), pensé pour les logiciels et systèmes complexes.

Roberta Williams (1953 – )

Alors que l’américaine Roberta Williams est enceinte de son premier enfant, son mari lui fait découvrir le jeu Colossal Cave Adventure, pensé comme une chasse au trésor. Elle apprécie le jeu mais s’en lasse vite. En effet, les jeux d’aventure sur ordinateur étaient, au départ, purement textuel : un paragraphe décrit le lieu où le personnage se trouve et des instructions doivent être écrites au clavier pour avancer dans l’énigme. Consciente que ce système était rebutant pour les néophytes, Roberta Williams décida de le faire évoluer. Elle est ainsi reconnue comme la pionnière des contes interactifs, grâce à l’idée d’expériences de jeux révolutionnées par un univers graphique qui rend les énigmes et les intrigues plus attractives.

En 1980, elle conçoit le jeu Mystery House en y ajoutant pour la première fois des illustrations graphiques. Le joueur est enfermé dans une maison constituée de plusieurs pièces et de 7 personnages qui commencent à mourir un à un, à la manière d’un roman d’Agatha Christie ou du jeu de société Cluedo. Le joueur doit donc rapidement démasquer le meurtrier grâce à des indices, s’il ne veut pas être la prochaine victime.

Une nouvelle étape est franchie en 1984 lorsqu’elle conçoit King’s Quest I qui, grâce à l’amélioration des capacités des ordinateurs, permet au joueur de voir son personnage se déplacer dans un univers virtuel.

En 1995, l’immersion graphique prend une nouvelle envolée avec le jeu d’aventure horrifique Phantasmagoria où les personnages sont réalisés à partir de vrais acteurs filmés sur fond bleu puis mélangés à des décors en 3D.

63 % des agents de la CNIL sont des femmes.

Ingénieures ou juristes, managers ou agentes, elles apportent leurs expertises pour protéger la vie privée et les libertés des français.

Si vous voulez nous rejoindre, consultez nos offres d’emploi

 

Crédits photographiques des visuels ayant permis à la CNIL de réaliser ces portraits : Ada Lovelace : Antoine Claudet ; Hedy Lamarr : Wikimedia Commons/Doctormacro ; Grace Hopper : Wikimedia Commons ; Katherine Johnson : NASA ; Stephanie Shirley : Lynn Hart/CC ; Margaret Hamilton : Daphne Weld Nichols/CC ; Alice Recoque : Magazine 0.1 Informatique ; Roberta Williams : Sierra On Line.


Français

Image: 
8 femmes qui ont marqué l’histoire du numérique – journée internationale des droits des femmes

Introduction: 

Souvent mésestimées ou oubliées, les femmes sont confrontées aux stéréotypes de genre pour s’imposer dans l’informatique et l’innovation. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la CNIL vous propose de découvrir 8 esprits remarquables qui ont façonné l’histoire du numérique.

Date: 
Lundi, 6 mars, 2023

Les mots clés associés à cet article

#Droits des femmes
#Technologies

Thématique

#CNIL

Type d’article

#Actualités

Type espace: 
Particulier
Professionnel

Type Remontees: 
Automatique

CNIL Direct: 
Non

Leave a Reply

Copyright © 2021 | by Melvin Martinvalet